LAPIERRE-LACASSE, Elaine, Se battre ou s'abattre, Cap-Saint-Ignace, Edition La plume d'Oie, 1997, 144 p.
Ce livre se vend environ 25 $, frais de transport inclus. Pour avoir des plus amples informations, contactez l'auteure elle-même :
Elaine Lapierre Lacasse
1495 CR. de la Salle
Laval, Québec H7G 4E7
letarot@videotron.caExtrait du livre Se battre ou s'abattre de Elaine Lapierre-Lacasse
Devenir fou
La maladie est une guerre,
La santé en est une autre,
Les vainqueurs seuls diffères.
André Suarès
Je me sentais étrange depuis quelques jours : j’étais en manque de lithium.
Et puis un soir, j’étais très très mal dans un état d’angoisse insupportable; nervosité, irritabilité et impatience; j’avais perdu confiance en moi et un sentiment d’infériorité m’affaiblissait.
Je demandai donc à mon mari de m’accompagner à l’hôpital pour le lendemain mais il n’a pas voulu. Alors, j’ai pris ma voiture et je m’y suis rendue seule. Ce n’était pas très loin mais, quand même, ça aurait été plus prudent si mon conjoint était venu m’accompagner.
Arrivée à l’hôpital, je suis entrée par une porte spéciale. De là, un long corridor menait à des escaliers ; j’essayais d’ouvrir les portes qui étaient verrouillées. Je me souviens que c’était l’enfer : je voyais des gens par les petits carreaux des portes de l’escalier et je ne pouvais pas les avertir que j’étais prise dans ce labyrinthe. C’était horrible ! La réalité se déformait ; cette perte de contact avec le réel faisait que ce que j’imaginais devenait réel pour moi. Je souffrais tellement.
J’entendais des avions et des bombes au dessus de l’hôpital. Dans ma tête, c’était la guerre.
On devient fou dans sa tête et j’ai ressenti cette folie-là. Je me suis couchée dans l’escalier, ne sachant que faire. Et tout à coup, j’ai décidé de monter à l’étage supérieur pour enfin trouver une porte déverrouillée.
On m’a demandé ce que je faisais là ; j’ai répondu que j’étais mal mentalement et que je voulais voir mon psychiatre. On l’a demandé par l’interphone ; tout était tellement confus dans ma tête. Je me souviens d’avoir entendu : (Faut pas s’en occuper, c’est une folle.) Quand on est dans cet état-là, on est pas fou mais on sent qu’on va l’être à cause des gens autour de nous qui nous considèrent comme tel. On a besoin que quelqu’un prenne soin de nous mais non de ces paroles qui détruisent. C’est effroyable comme les gens s’ont barbares lorsqu’il s’agit de maladie mentale.
Après un certain moment, on m’a amenée dans une grande salle où il y avait sept ou huit médecins et psychiatres. On m’assommée de questions jusqu’à ce que je réponde de façon incohérente à l’une d’elles. Moi, je me disais : (Arrêtez de me poser ces questions et hospitalisez-moi ; vous voyez bien que j’ai besoin d’aide.) Et l’on continuait à m’interroger, à me harceler. Je leur ai répondu : (De la façon dont j’agis, est-ce que je vais avoir le prix Nobel de la Paix ?)
Tout de suite, on m’a fait monter au troisième étage, celui réservé à la psychiatrie. C’était le résultat de l’évaluation des spécialistes en psychiatrie !
On m’a hospitalisée pour deux semaines…